mercredi 21 octobre 2009

Ça fait drôle de vieillir

Il y a quelque temps, l'aimable canidé helvétique nous faisait partager son sentiment sur la bizarrerie des relations entre wikipédiens.

Aujourd’hui, à chaque fois que je vais sur Wikipédia, un bandeau jaune surgit en haut de la page : « Vous avez un nouveau message ». Pas de panique cependant, je sais qu’une fois par an, les messages qui s’accumulent tout au long de la journée seront plutôt sympas pour cause d’anniversaire. Grâce en soit rendue à un modèle qui apparait chaque jour sur le Bistro et rappelle quels sont les valeureux contributeurs qui vieillissent en ce jour.

Comme dans la vraie vie, ça peut en énerver certains ; libre à eux de ne pas s’inscrire dans la liste en question. Personnellement, j’aime bien ça. Peut-être parce que c’est souvent l’occasion de venir faire un petit salut sur la page de gens dont on apprécie les contributions.

Au mitan de cette journée, vingt-deux y sont allés de leur petit message ; dans le lot, j’en connais tout juste 50 % en vrai, et quelques autres avec lesquels j’échange régulièrement via IRC.
Ce qui m’interpelle chaque année, c’est de voir que nombreux sont ceux que j’ai rarement, voire jamais, croisés qui viennent me saluer. Même quand on est plutôt discret dans les différentes pages de discussion, ça fait drôle. Mon ego me pousserait à croire que mes actions sont plutôt appréciées. Plus prosaïquement, je pense qu’il doit y avoir des spécialistes du bonanniversairage qui cherchent par là une certaine reconnaissance.

Décidément, sur WP comme ailleurs sur le Net, les voies de la convivialité sont assez tortueuses.

vendredi 16 octobre 2009

Que reste-t-il de nos cent ans ?



Le Wikiconcours « flash » de septembre dernier a été l’occasion pour l’équipe à laquelle je participais de se plonger dans l’histoire de notre ville : Rennes. Déjà, il y a un an de cela, nous avions constaté que notre cité plus que bimillénaire méritait mieux que l’article indigent qui lui était consacré dans Wikipédia. Notre angle d’attaque de cette année était les personnalités marquantes de l’histoire de la ville, et plus particulièrement ses maires.

Le problème est que l’on est vite confronté aux limites d’internet quand il s’agit de parler de l’histoire récente. Les règles de la Toile faisant que l’on est soit dans une logique de promotion immédiate de ce que l’on fait1, soit dans un souci de valorisation du patrimoine historique à travers les sites plus ou moins mis à jour des érudits locaux ou les inventaires abscons du patrimoine. Par contre, il est très rare d’y trouver trace de ces élus locaux qui ont contribué à la construction d’une cité. Il n’y a pas de mystère ; il faut alors retrouver les bonnes vieilles sources écrites.

Le problème c’est que quand on a mis le doigt dans l’engrenage, on se fait vite happer. Ainsi, je me suis attaché à la personne de Jean Janvier, premier édile de la ville de 1908 à 1923, qui est connu de tous les Rennais pour avoir donné son nom à l’imposante avenue qui part de la gare vers le centre-ville. Coup de bol, ce sympathique notable de la Troisième république a vu ses mémoires publiées il y a quelques années par les excellentes Presses universitaires de Rennes2. Par contre, baser entièrement un article sur cette source, ça fait un peu léger… Du coup, il n’y a guère d’autre solution que d’explorer les journaux de l’époque, notamment la collection complète des Ouest-Éclair qui occupe une entière armoire de microfilms au dernier étage des Champs Libres. Et là, c’est le drame…

Dans une langue qui sent bon les encriers et le sarrau troisièmerépublicain, on voit s’entrechoquer la politique étrangère et le banal accident de circulation ; quand la mise en coupe réglée du Maroc se retrouve à avoir autant d’importance que la mort de la veuve Denis dans un accident place de Bretagne. Et puis surtout, les joutes électorales de l’époque sont un ravissement : la menace de l’invasion bolchevico-maçonnique de la tranquille préfecture d’Ille-et-Vilaine est brandie quand le fort modéré socialiste Carle Bahon se retrouve au poste de premier magistrat en 1925.
On voit aussi en 1908, le ravissement de la presse locale quand un aussi honorable personnage que M. Janvier, déjà chevalier de la Légion d’honneur, accède au bureau de maire de la ville. Mais, au fait, qu’apprenons-nous de l’honorable Eugène Pinault3 qui l’a précédé en 1900 ?
Et c’est reparti pour un tour, on file chercher la bobine de mai 1900 et on retrouve encore les craintes qu’inspire l’Allemagne, les joies de la progression de la civilisation dans le Maghreb grâce à nos régiments coloniaux… et les accidents de circulation sur les quais encombrés de la Vilaine. Et aussi, on lit la satisfaction de voir une personnalité telle que M. Pinault mener les destinées de notre cité à l’orée du nouveau siècle.

Que fait alors le modeste wikipédien ? Il prend des notes, scanne les pages et se dit qu’il a, encore, les bases d’un nouvel article à écrire. Sera-t-il lu un jour ? Peu importe, ça fait toujours un lien rouge en moins !

1 : Dans ce cas aucun problème pour tomber sur le blog du plus obscur conseiller général, ce qui n’est pas sans poser des problèmes de neutralité, sans parler de l’admissibilité
2 : Jean Janvier (préface de Edmond Hervé), Quelques souvenirs, Presses universitaires de Rennes, coll. « Mémoire commune », Rennes, 2000, 339 p. (ISBN 2-86847-550-7). Édition, présentation et annotations de Jean-Yves Andrieux et Catherine Laurent.
3 : Aucun rapport avec un autre honorable M. Pinault, plus contemporain, qui ne sera sans doute jamais maire de Rennes.